• La vraie vie est absente. Nous ne sommes pas au monde.

          La vraie vie est absente. Nous ne sommes pas au monde.

     

     

    Cette phrase est énigmatique et sonne si juste. Combien d’entre nous cherchent la « vraie » vie surtout à l’adolescence, et souvent bien après Qu’est-ce que serait une vie qui serait « vraie » ? C’est difficile à déterminer. Nous connaissons bien ce qui n’est pas vrai. Cette existence où l’on a l’impression de jouer un rôle, de répéter des gestes habituels, ou de vivre à moitié, sans réelle joie. Cette vie sans relief, sans réelle souffrance et sans gaieté. Les adolescents y sont sensibles, parce que la sortie de l’enfance est la perte de la « vraie » vie. L’enfance se meut dans l’immédiateté, au cœur de la jeunesse renouvelée du monde. Quittant l’enfance, nous ne sommes plus au monde l’a senti à 17 ans, il a cherché en tentant d’avancer ce qui était, en réalité, derrière lui.
    Nous le savons, ce sentiment de pas être au monde, de ne pas y adhérer, de ne pas y trouver sa place, une place dense, elle tient évidemment au regard que l’on a sur ce monde. Notre regard individuel, mais aussi celui de notre culture dans son ensemble. Pourquoi beaucoup de personnes sont-elles « fatiguées », comme en dehors de la vraie vie ? Pourquoi voyons-nous se propager dans les médias, sur les réseaux sociaux, l’image d’un monde corrompu, frelaté, bon à jeter, au point que ceux qui se veulent « purs » cherchent à la retrouver cette vraie vie à travers une ascèse – par exemple à travers une « orthorexie » se basant sur la qualité parfaite de ce que l’on doit manger – une accusation des corrupteurs ou des corrompus, ou une idéologie de fin du monde. Certes le monde va mal, mais somme-nous sûrs que ce soit seulement lui qui dérive hors de ses bases ? Au cœur des linéaires multicolores de marchandises et d’informations que nous proposent la modernité, certains n’arrivent plus à sélectionner ce qui a du sens, ce qui fait vivre, ce qui rend joyeux. C’est du registre de ce que appelait la névrose noogénique, ce vide existentiel qui peut mener au suicide et qui frappe aujourd’hui tant de jeunes et de moins jeunes.
    Une fois ce postulat mis au jour – une perte de sens s’inscrivant dans l’histoire récente dans ce monde depuis environ une trentaine d’année – que faut-il faire ? Je proposerais quelques pistes, que je développerai dans les semaines qui viennent.
    L’être humain est relationnel. Cette constatation simple est perdue de vue. Il s’agit de retrouver un sens en rapport avec un donné collectif même basic. Pour cette raison beaucoup investissent aujoud’hui la vie familiale ; avec ceux qui sont proches, avec qui on est en confiance, quelque chose peut s’inventer, quelque chose de limité, de provisoire, de souvent ambivalent – la relation avec les proches n’est jamais simple – mais de tangible. C’est en demeurant en lien que l’on crée le sens de sa vie.
    Une règle de vie est nécessaire. Elle donne une ossature à l’existence. Le danger est qu’elle devienne autarcique. Comment la relier au moins à une partie du monde collectif ?
    Nous sommes tous des « herméneutes » : nous devons « interpréter » ce que nous avons déjà vécu. C’est en relisant sa vie passée, ses singularités et ses accidents, en repérant ses errements et ses rencontres heureuses ou malheureuses, que l’on peut déceler la source du sens qui l’habite. Faire mémoire de ce qui a fait sens, cela n’est pas toujours simple, car beaucoup d’entre nous n’arrivent pas à se repérer dans leur propre histoire. Il faut retrouver le chemin de l’historisation, c’est-à-dire de la manière dont notre psychisme s’est inscrit dans notre histoire.
    Le sens n’est jamais complètement atteint. Il est en arrière et aussi en avant. Il demeure toujours un résidu qui n’est pas saisi. Il faut certes le chercher, mais accepter aussi que les nouveaux commencements seront multiples, tant que le voyage n’est pas terminé. Prenons ainsi attention à nos rêves nocturnes. Ils dessinent quelques contours de notre désir. Ils nous dévoilent plus encore ce qui est en nous une direction, une création en train de se faire. Ne les fuyons pas et sachons les saisir au vol à la fin de la nuit. Ils nous diront quelque chose du sens de notre vie.
    La « vraie » vie s’édifie aussi dans le négatif. Ne négligeons pas les moments de souffrance, de sacrifice, les instants où rien ne se comprend. Ce que j’appelle « le gain dans la perte » est notre capacité d’inventer au cœur de ce qui arrive et n’était pas attendu, des deuils, des incidents ou des accidents. Cela n’est jamais gagné, mais c’est un possible qui suscite les plus belles perles… perles de sens au cœur de la nuit


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :