• ABDELAZIZ  BOUTEFLIKA         BOUTEFLIKA  CE ROI LEAR QUI VOULAIT MOURIR SUR SCÈNE

    En appelant à déclarer Bouteflika inapte à exercer le pouvoir, le chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah tente de sortir de l’impasse, entre le dégagisme du peuple et la forclusion butée du palais présidentiel. Pour autant, quelle porte de sortie la rue est-elle


     Gaïd Salah a compris que Bouteflika et ses deux frères sont finis politiquement »               L’histoire montre trois types de transitions démocratiques. Soit violente – ce que le peuple refuse par son pacifisme hors pair – , soit octroyée par la mansuétude du dictateur – ce que refuse aussi le peuple. La troisième voie est celle de la négociation telle qu’elle a eu lieu dans les démocraties populaires, et dont l’exemple de la révolution de velours constitue le cas d’école.

    Cette voie moyenne est étroite, le bilan des transitions de ce type étant pour le moins contrasté. Pourtant, c’est cette voie-là qui s’impose au destin algérien.

    Stratégie du pourrissement

    On aurait pu penser que la baisse drastique du cours du baril eût invité le pouvoir à plus de prudence. Il n’a plus les moyens, comme il l’avait fait en 2012, de redistribuer la manne pétrolière pour éteindre le feu de la contestation en finançant des politiques de redistribution clientéliste. Le peuple aspire à la fin d’une économie monoproductive. Or, c’est bien la seule bête sur laquelle l’oligarchie peut se nourrir.                                                     AUTANT DE PANTOMIMES QUI NE SUFFIRONT PAS FACE À CE SYLLOGISME IMPARABLE : BOUTEFLIKA EST UN HOMME, TOUT HOMME EST MORTEL, DONC BOUTEFLIKA EST MORTEL

    Il lui resterait bien l’option choisie par les pays du Golfe de diversifier ses secteurs productifs, mais voilà : les réserves de change accumulées ont été dilapidées pour nourrir le Moloch de la corruption. C’est ce « tout ou rien », ce « quitte ou double » – ou, pour le dire crûment, « qui contrôle le robinet pétrolier contrôle tout » – qui explique le silence mêlé de bégaiements du clan Bouteflika.

    Aucun remplaçant ne s’est avéré convaincant pour répartir la rente pétrolière entre les différents clans, devenue de facto la seule richesse de l’Algérie. Aussi cherche-t-il dans la panique à gagner du temps et joue, aux abois, le pourrissement du mouvement. Autant de pantomimes qui ne suffiront pas face à ce syllogisme imparable : Bouteflika est un homme, tout homme est mortel, donc Bouteflika est mortel.

    Réponses dérisoires

    Face à cette équation économique ardue et à l’impossibilité de trouver un point d’équilibre kleptocratique autre que le présent président, les réponses du pouvoir sont dérisoires. Le nouveau Premier ministre, Nourredine Beddoui, certainement un brave wali, un technocrate compétent, n’a cependant commencé sa carrière ministérielle qu’en 2013, et s’est compromis dans les dossiers policiersqu’il a traité comme ministre de l’Intérieur. Personnalité de second ordre, ni consensuel, ni indépendant, il ne peut peser sur le destin algérien. Lakhdar Brahimi, un temps pressenti pour diriger la conférence nationale, est certes respectable, mais il a 85 ans et ne vit plus en Algérie depuis plus de dix ans. 

     Contestation anti-Bouteflika en Algérie : les nouveaux chouchous de la rue

    Preuve de la mauvaise volonté manifeste du pouvoir : le pilote de cette transition aurait très bien pu être issu de la société civile, laquelle ne tarit pas de ressources, qu’il s’agisse de maître Bouchachi, bâtonnier d’Alger, du président de l’Ordre des médecins, du président de la Ligue des droits de l’homme ou de certains magistrats engagés dans les droits civils et politiques. Malgré l’exil et le meurtre de l’intelligenstia au cours des années 1990, il existe encore un espace public animé par de grands titres de presse, qu’ils soient arabophones comme El Khabar, ou francophones, comme El Watan et Liberté.

    Seconde décolonisation

    Face à une rhétorique usée jusqu’à la corde, criant haro sur les griffes impérialistes, la nation n’a dès lors pas d’autre choix que de réclamer une seconde décolonisation. On peut cependant espérer que les élites algériennes, dans la coulisse où elles tiennent des ficelles de plus en plus grosses, songent à l’image déplorable qu’elles laisseront au regard de l’histoire. Il n’est pas certain que le jeune Bouteflika, « Little big man », devenu à 25 ans ministre de la toute jeune République, ne porte pas un regard sentencieux sur ce qu’il est devenu sur ses vieux jours : un roi Lear qui souhaite, au lieu de sortir par la grande porte, mourir sur scène comme Molière, auquel il emprunte ses médecins.                                             CE CULTE DE L’EFFIGIE EST L’EXEMPLE-TYPE D’UNE DICTATURE SANS VISAGE DERRIÈRE LAQUELLE, EN CATIMINI, UNE BANDE DE PILLARDS SAIGNENT SANS VERGOGNE LEUR PEUPLE

    L’histoire jugera cet homme, autrefois figure du tiers-mondisme, aujourd’hui l’ombre de lui-même, au sens propre du terme : les citoyens sont régulièrement invités à offrir des cadeaux à l’effigie de Bouteflika, voire des effigies. Cette représentation de la représentation est l’exemple-type d’une dictature sans visage derrière laquelle, en catimini, une bande de pillards saignent sans vergogne leur peuple. Le dictateur, prisonnier de sa propre propagande, et en un sens otage d’un système qu’il a mis en place, aura privé le peuple de ses libertés et de son autonomie. Otage que vient de libérer Gaïd Salah par sa décision inaugurale. Le plus dur reste à faire.


    votre commentaire

  • Document. Destitution de Bouteflika, menaces contre des parties malintentionnées : tout ce que Gaïd Salah a dit aujourd’hui sur la situation du pays

    1
    0
     

     Destitution de Bouteflika, menaces contre des parties malintentionnées : tout ce que Gaïd Salah a dit aujourd’hui sur la situation du pays

     

    Le Général de Corps d’Armée, Vice-ministre de la défense nationale, Chef d’Etat-Major de l’armée nationale populaire, a présidé l’après midi du 30 mars 2019, une réunion au siège de l’Etat-Major de l’ANP, ayant regroupé les Commandants de Forces, le Commandant de la 1ère Région Militaire et le Secrétaire Général du Ministère de la Défense Nationale, dans le cadre de l’évaluation du bilan global de l’ANP en général, et l’étude des développements de la situation politique prévalant dans notre pays, suite à la proposition de mise en œuvre de l’article 102 de la constitution, en particulier.« Notre réunion s’inscrit dans le cadre du bilan global de l’ANP, conformément au plan de charge, notamment pour l’étude des développements de la situation politique prévalant dans notre pays, suite à la proposition de mise en œuvre de l’article 102 de la constitutionComme vous le savez, j’ai souligné lors de mon allocution prononcée le 26 mars 2019 au niveau du Secteur Opérationnel Sud-Est Djanet en 4ème Région Militaire, que la mise en application de l’article 102 de la Constitution, est la solution idoine pour sortir de la crise actuelle que traverse le Pays.Cette proposition, qui s’inscrit dans le cadre des missions constitutionnelles de l’ANP, en sa qualité de garante de l’indépendance nationale, de la sauvegarde de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale ainsi que la protection du peuple de tout danger, conformément à l’article 28 de la Constitution »Le Général de Corps d’Armée a insisté sur le fait que cette proposition, qui s’inscrit exclusivement dans le cadre constitutionnel, constitue l’unique garantie à même de préserver une situation politique stable, afin de prémunir notre pays de toute situation malencontreuseComme il a affirmé que la majorité d peuple algérien, à travers les marches pacifiques, a accueilli favorablement la proposition de l’ANP. Cependant, certaines parties malintentionnées s’affairent  à préparer un plan visant à porter atteinte à la crédibilité de l’ANP et à contourner les revendications légitimes du peupleEn effet, et en date du 30 mars 2019une réunion a été tenue par des individus connus, dont l’identité sera dévoilée en temps opportun, en vue de mener une campagne médiatique virulente à travers les différents médias et sur les réseaux sociaux contre l’ANP et faire accroire à l’opinion publique que le peuple algérien rejette l’application de l’article 102 de la Constitution.Dans ce cadre, le général de Corps d’Armée a souligné :«A la lumière de ces développements, la position de l’ANP demeure immuable, dans la mesure où elle s’inscrit constamment dans le cadre de la légalité constitutionnelle et place les intérêts du peuple algérien au-dessus de toute autre considération, en estimant toujours que la solution de crise ne peut être envisagée qu’à travers l’activation des articles 7, 8 et 102».En ajoutant que toutes les propositions découlant de ces réunions suspectes, qui vont à l’encontre de la légalité constitutionnelle ou portent atteinte à l’ANP, qui demeure une ligne rouge, sont totalement inacceptables et auxquelles l’ANP fera face, par tous les moyens légaux.


    votre commentaire
  • Les déserteurs de la dernière heure, et le dérapage de Gaïd Salah

    La trahison a gagné l'alliance présidentielle.

    L'Algérie est en train de vivre des grands moments de son Histoire, le peuple est l'acteur principal grâce à son salut et son courage. Sans oublier tous ceux qui ont contribué pour éveiller la société dans une démarche responsable et pacifiste.

    Depuis le 22 février, les Algériens ont su prendre les bons moyens pour exprimer leurs désaccords à l'égard d'un pouvoir qui refuse de comprendre qu'un jour les choses vont prendre une autre tournure, et que leurs manigances vont cesser.

    Le plus surprenant est de voir la réaction en toute honte bue de l'alliance présidentielle composée notamment du RND, FLN, UGTA, TAJ et le MPA, et le dernier dérapage de Gaïd Salah un général-major de l'armée. Ce dernier veut, peut-être, être sur les pas du Maréchal Sissi  d’Égypte ! Car il vient de manquer une belle occasion de se taire. En tous cas, c’est la rue qui prendra la décision pour en lui demander de le faire.

     

    Bien avant ces mouvements sans précédent, il y a eu des tentatives pour atténuer  l'ampleur de la révolte populaire avec des allures de provocation, de menaces et jusqu'à modérer leur discours pour des raisons de félonies. Les représentants du système ont été surpris de facto par ce tsunami populaire, et leurs réactions face à ce dernier sont radicalement incohérentes avec les attentes d'un peuple qui refuse l'indignité.

    À la veille de l'indépendance, l’Algérie a déjà vécu de presque semblables circonstances, la France coloniale et ses affidés ont pris des décisions dans le but de prendre le contrôle de l'Algérie de demain. Persuadés que la France va quitter les lieux, des éléments d'origine algérienne, les DAF (déserteurs de l'armée française) ont déserté leurs institutions militaires pour se rallier à l'ALN.

     

    Avec la complicité de l'armée des frontières dirigées par le clan d'Oujda, aucune mesure de méfiance n'est prise contre eux malgré leur implication dans les différentes exactions contre le peuple algérien. La nouvelle Algérie est partie sur un mauvais départ, elle a été livrée aux mercenaires et faux nationalistes.

    Les raisons de cette complicité et de perfidies sont multiples, et l’Histoire est en train de les révéler  pour en faire des sujets de traîtrises.

    Des ennemis d’hier qui veulent devenir des amis d’aujourd’hui

    C'est une attitude étrange. Ce n’est pas aussi loin que cela, des personnages politiques composés de la pire pègre comme Ouyahia, Sidi Saïd, Bouchareb, Ghoul, Sellal, Benyounes, Saidani, Gaïd-salah et toute cette engeance qui se sont constitués en clubs fermés jouent contre le destin des Algériens, soudain, ils modèrent leur discours pour rejoindre la protestation populaire.

    Pour sauver leur peau ou bien un sésame pour intégrer la nouvelle organisation que leurs parrains sont en train de fomenter dans des projets diaboliques? Pour les avisés, ce n’est pas fortuit ce virement à 180 degrés.

     

    Pourquoi l'armée se mêle tant dans les affaires politiques du pays? Depuis 1962, les chefs d'État sont choisis et défaits par cette institution militaire. Cette tradition doit-elle perdurer malgré les millions d'Algériens qui réclament la fin de ses modes de désignations et la fin du système?

    Une triste Histoire est en train de s'écrire, l'armée, d'une manière illégale, instruit le Conseil constitutionnel d'appliquer une loi qui destitue un président de la république. Nous sommes en phase d’un véritable coup d'État appuyé par les déserteurs de la dernière heure comme Ouyahia.

    Les dessous de cette manœuvre sont une manière de gagner du temps. Le maintien des élections avec le cinquième mandat, le prolongement du quatrième mandat, l'organisation d'une conférence nationale et en dernier de maintenir le pouvoir pendant une période sous l'égide du président du sénat en l'occurrence Bensalah un proche fidèle de Bouteflika. C'est-à-dire ce dernier scénario contredit les attentes du peuple.

    Ça rime à quoi cette dernière tentative ?

    Selon Dr Sadi, l'ancien leader du RCD, qui qualifie la proposition de Gaïd Salah «d’un fait grave en la forme et dans le fond».

    «Le recours à l’article 102 implique le transfert du pouvoir au président du conseil de la nation jusqu’à l’élection présidentielle, ce qui revient à enfermer la dynamique citoyenne qui a mobilisé des millions d’Algériens pour le changement radical dans des structures et des mécanismes obsolètes et condamnés par des marches historiques qui ont suscité l’admiration du monde.»

    Avant cette sortie vindicative de l'armée, il y a eu des provocations et des manipulations qui n’ont pas eu raison d’échouer la mobilisation malgré les grands moyens médiatiques qui ont été mis par des puissants oligarques affiliés aux différents clans du système. Il a été rapporté par certains médias de l’existence d’endroits spécialement aménagés avec des équipements sophistiqués pour prendre le contrôle des débats dans les réseaux sociaux. Des  jeunes informaticiens ont été engagés pour investir la toile afin de polluer les espaces d’expressions avec des faux profils, ils émettent des fake news avec des informations fallacieuses pour dénigrer des hommes et des femmes qui ont un grand poids politique.

    Ils ont tout essayé pour désorienter l’algérien de son objectif initial qui est le départ du système. De la menace islamiste au régionalisme, en passant par la neutralisation des forces vives et les voix qui alimentent les espoirs d’une révolte pacifique.


    votre commentaire
  • Les empêchements se fourbissent au 102

                           L’Armée face au mouvement protestataire du 22 février

    La proposition de « sortie de crise » du général de corps d’Armée, Ahmed Gaïd Salah en s’appuyant sur l’article 102 de la constitution rendue obsolète par Bouteflika et inopérant par le Conseil constitutionnel lui-même jette un grave discrédit sur le mouvement protestataire du 22 février.   

     

    Sont-ce les prérogatives de l’armée en s’immisçant d’autorité et à brûle-pourpoint dans le champ politique que le mouvement résolument protestataire du 22 février veut transformer de fond en comble en exigeant le départ sans concession du système, entendu, de ses cadres institutionnels, constitutionnels, son parti-pouvoir, le FLN et ses courroies de transmission ?

    Si tel est le cas, cette intrusion de l’armée dans le corps politique en pleine crise ajoute de l’huile sur le feu qui ne sera pas prêt de s’éteindre dans la mesure où aucune solution pacifique ne peut venir des galons et encore moins conduite, dirigée par l’armée dont les prérogatives sont clairement fixées par la constitution (de 2016) en son article 28, sur laquelle s’appuie pourtant Ahmed Gaïd Salah : «L’armée nationale populaire a pour mission permanente la sauvegarde de l’intégrité territoriale du pays, ainsi que la protection de son espace terrestre, de son espace aérien et des différentes zones de son domaine maritime. Elle s’efforce de régler les différends internationaux par des moyens pacifiques».

    Cette ingérence de l’armée dans les affaires civiles du pays qui n’est pas à feu et à sang, dont les frontières, la souveraineté nationale ne sont pas menacées, va créer un grave précédent dans l’histoire constitutionnelle du pays et jettera un lourd discrédit d’abord sur les textes constitutionnels du pays qui deviennent ainsi une pâte à modeler sous « le contrôle» de l’armée, puis sur les acteurs de la société civile et politique ainsi floutés par la hiérarchie militaire dans leur prérogatives alors même qu’ils ne sont pas censés ignorer que la solution «constitutionnelle » proposée par le chef d’Etat-Major de l’ANP est un coup d’épée dans l’eau en elle-même mais dangereuse dans ce qu’elle contient de menaces, de perversités et surtout d’anti-constitutionnalités.

     

    La solution de « sortie de crise » ainsi proposée par le vice-ministre de la Défense  est contradictoire dans le contexte juridique de l’article 102 invoqué comme solution en fait d’étouffement du mouvement du 22 février.  

     

    L'article 102 dispose que «lorsque le Président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose, à l'unanimité, au Parlement de déclarer l'état d'empêchement".

    Or, l’incapacité physique et mentale de Bouteflika est avouée par lui-même dans son message du 8 mars dernier  de son hôpital de Genève et est donc largement antérieure à cette date : «Il n’y aura pas de cinquième mandat et il n’en a jamais été question pour moi, mon état de santé et mon âge ne m’assignant comme ultime devoir envers le peuple algérien ».

    Or, l’article auquel se réfère Ahmed Gaïd Salah semble le contredire d’abord dans les formulations du terme d’«empêchement».  Il mentionne d’abord une déclaration de « l’état d’empêchement du président de la république » pour une période de 45 jours ; mais le même article ajoute la « continuation de l’empêchement à l’expiration » de ce délai. Or, si l’on s’en tient uniquement à la période d’hospitalisation de Bouteflika de cette année 2019, ni « l’état d’empêchement » ni même surtout la continuation de cet état d’empêchement, pourtant observés par le Conseil constitutionnel, n’ont semblé inquiéter outre mesure l’armée.  Et cet état de fait date depuis son 4e mandat durant lequel, depuis son attaque cardio-vasculaire, il a enchaîné plusieurs hospitalisations ayant créé, bien plus que « 45 jours », cet « état d’empêchement » et cet « continuation » de ce même «état » pour pouvoir encore gouverner. Ensuite, une autre contradiction vient s’y ajouter.

    En s’appuyant sur l’article 102, Ahmed Gaïd Salah ignore qu’il est, de fait, neutralisé, par Bouteflika lui-même, qui, même reconnaissant son empêchement et la continuation de son empêchement à à gouverner, nomme un nouveau Premier ministre et un vice–premier ministre pour la constitution d’un nouveau gouvernement entamant ainsi une  prolongation de fait de son 4e mandat en décidant le report des présidentielles du 18 avril et en s’instituant l’ordonnateur de mesures de sorties de crise et le seul maitre d’œuvre d’une conférence nationale et ce sous le nez et à la barbe du conseil constitutionnel.

    Cependant l’article 104, subséquent au 102 de ladite constitution stipule : «Le gouvernement en fonction au moment de l’empêchement, du décès ou de la démission du Président de la République ne peut être démis ou remanié jusqu’à l’entrée en fonction du nouveau Président de la République ». Ainsi, au vu de ces contradictions entre la réalité des faits et du texte juridique de la Constitution, Ahmed Gaïd Salah s’appuie sur « l’anticonstitutionnalité » du système politique en place comme sortie de crise ! D’autant que l’article 182 de la constitution stipule que «Le conseil constitutionnel est une institution (qui) est chargée de veiller au respect de la constitution. Le conseil constitutionnel veille en outre à la régularité des opérations de référendum, d’élection du Président de la République et d’élections législatives» ; autrement, aux quatre mandats successifs de Bouteflika, à la neutralisation de l’article 102 de la constitution, à  la promotion de la loi scélérate sur la concorde civile de 1999, de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale de 2006 fragilisant la lutte anti-terroriste de l’ANP qui n’a plus l’étai politique.

    La proposition de sortie de crise de Gaïd Salah apparaît, par ses justificatifs, comme une menace à peine voilée sur le mouvement du 22 février qu’il accuse d’être porteur, «en dépit du caractère pacifique et du civisme qui caractérise ces marches jusqu’à présent»,  de plonger le pays dans « une situation incertaine » de favoriser un terrain propice à des « parties hostiles et mal intentionnées aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur, qui usent de manœuvres douteuses visant d’attenter à la stabilité du Pays ».

    Sur le sillage du mouvement contestataire du 22 février, Ahmed Gaïd Salah ne voit pas la fin du règne du Système, une nouvelle Algérie mais « des desseins abjects ». Et tout le champ sémantique de la vieille rhétorique du pouvoir et du bouteflikisme contenu dans sa harangue obstrue cette piètre sortie de crise qui cache, au moment où le mouvement du 22 février se politise, passe à une étape décisive de son existence et de ses revendications, ce que connote cet énoncé  et à qui il est destiné : « L’ANP ne permettra jamais à qui que ce soit, de détruire ce que le peuple algérien a pu construire ».

    Cette énième sortie publique du chef d’Etat Major de l’ANP occupant une grande partie du J.T de 20h de la télévision nationale depuis la naissance du mouvement du 22 février est présentée par les médias officiels comme « messianique », « originale » et certains y voient d’ores et déjà un limogeage de Bouteflika. Or, Bouteflika, c’est déjà du passé. Ahmed Gaïd Salah parle de « sortie de crise ». Or, où est « la crise » ? Elle n’est pas dans le mouvement du 22 février qui est dans un processus révolutionnaire en exigeant le départ du Système ; la crise est dans la persistance de ce même système à demeurer, à sévir avec tous les moyens institutionnels et constitutionnels qui, longtemps pervertis, assujettis pour des intérêts claniques, vols à « lois armées » des deniers de l’Etat, deviennent comme par miracle, des référents du droit et de la protection de la Nation. Encore une supercherie, une arnaque.

    Cette déclaration militaire participe aux tentatives de manœuvres, nombreuses, de faire plonger le mouvement protestataire du 22 février dans un processus d’ «invisibilisation » en cherchant sinon à l’étouffer dans une toile d’araignée, du moins à le discréditer graduellement en pervertissant ses mots, ses slogans, ses réseaux d’échanges.

    Opérations de charme, vampirisation déguisée,  retournements de veste, ralliements tactiques, comme ces maquisards « marsiens » de 1962 tard venus à la Révolution, approches de dialogues de proximité par familles, tribus, villages, villes, quartiers, par l’intime ; propositions de « sorties de crises » par plusieurs portes dérobées. Celle de l’Armée qui veut encercler les revendications du mouvement protestataire du 22 février participe de ce traquenard. Bouteflika n’est plus le jeu ni l’enjeu. Ahmed Gaïd Salah le sait. Mais est-ce lui, en fait, qui est en état d’empêchement ? Mais de quoi ?


    votre commentaire
  •  

      Une élection est la seule façon d’éviter de faire perdurer le système de cooptation  

    Les constitutionnalistes  attribue la décision d’appliquer l’article 102  à un consensus au sommet de l’Etat, ce qui doit permettre d’éviter une rupture violente.

    Constitutionnalistes et maître de conférences à l’université d’Alger, Fatiha Benabbou estime que l’application de l’article 102 de la Constitution, qui prévoit « l’empêchement du président », permettra au pays d’éviter une rupture violente et d’en venir logiquement, dans un cadre juridique strictement défini, au passage obligé des élections.

    Lire les dernières informations : Algérie : le RND, principal parti allié de Bouteflika, demande sa démission

    Comment interpréter le fait que le chef de l’armée propose lui-même la destitution d’Abdelaziz Bouteflika ?

    Cette décision a été annoncée publiquement par le chef d’état-major de l’armée pour la simple raison qu’il est une autorité, parce qu’il est visible. Il « parle » aux Algériens ; c’est le pouvoir réel et cela permet de savoir exactement d’où vient la décision. Mais Gaïd Salah n’a pas décidé seul de cette annonce. C’est le fruit d’un consensus au sommet de l’Etat à un moment où toute annonce venue de la présidence aurait été accueillie avec suspicion. C’est pour cela que le chef d’état-major a préféré lui-même annoncer cette mesure.

    Il avait déjà préparé le terrain dans ses précédents discours, notamment dans sa dernière intervention, le 18 mars, quand il a affirmé que des solutions existaient pour sortir de la crise. Par ailleurs, le président Abdelaziz Bouteflika a déjà sans doute démissionné. Je pense qu’il a déjà écrit sa lettre, qu’elle est déjà signée. J’ai été de ceux qui avaient solennellement demandé au président de quitter le pouvoir pour éviter un vide institutionnel dangereux au terme de son mandat actuel.

    Article réservé à nos abonnés Lire aussi  L’armée algérienne lâche Bouteflika

    Ce processus enclenché sur la base de la Constitution actuelle peut-il vraiment déboucher sur la transition politique que demandent les manifestants ?

    Ce n’est pas une transition. C’est une succession assurée par un texte constitutionnel, l’article 102, qui est purement normatif. Il permet d’assurer cette succession à la présidence de la République de la meilleure manière possible pour éviter une rupture violente. Le Conseil constitutionnel va s’en saisir et les choses vont se passer très rapidement. Factuellement, la démission du président va être transmise au Parlement, qui va déclarer la vacance de la fonction présidentielle et va charger le président du Conseil de la nation d’assurer un intérim technique.

    Ce qui signifie que ce dernier n’est pas président de la République. Les attributions du chef d’Etat intérimaire sont très verrouillées par les textes. Il ne peut pas réviser la Constitution, ne peut pas organiser de référendum, ne peut pas légiférer par ordonnance. Il aura comme fonction d’assurer la continuité de l’Etat et, surtout, d’organiser dans les trois mois une élection présidentielle. Il ne peut nommer un gouvernement ni se présenter lui-même à l’élection.

    Quatre-vingt-dix jours, n’est-ce pas trop rapide ? Quelles garanties peut avoir la population sur la transparence de la prochaine élection ?

    Il y a quand même la pression de la rue, avec un grand R : la voix des millions de personnes va compter. C’est vrai que la haute instance électorale, chargée d’organiser et de contrôler le déroulement du scrutin, est constitutionnalisée dans sa forme actuelle. Il va donc être difficile de réviser son fonctionnement.

    Il faut que la nomination de ses membres se fasse en concertation avec la société civile, que ce soit elle qui propose des noms et que le chef d’Etat par intérim ne fasse que formaliser juridiquement ses propositions. C’est possible. Et c’est tout l’enjeu des négociations qui vont débuter entre ceux qui sont dans la rue et le pouvoir réel. C’est donc à la rue et à ses représentants de peser et d’être une force de proposition.

    Lire aussi  La rue algérienne craint que la transition lui échappe

    Ce qui pose un défi à la société civile. Elle doit très rapidement se trouver des représentants…

    Tout à fait. Elle doit être en mesure de dégager rapidement des représentants. Et je pense que c’est bien qu’elle soit poussée à le faire. Il y a urgence. Le pays a besoin d’une autorité politique légitime. Nous allons dans très peu de temps être confrontés à une grave crise économique. Il n’y a plus d’argent dans les caisses. Des décisions devront être prises et seule une autorité légitimement élue par le peuple pourra le faire.

    Car des mesures sans doute douloureuses nous attendent, et ce n’est pas une autorité cooptée qui pourra les prendre. Celui qui sera élu devra être courageux. La politique actuelle, qui consiste à actionner la planche à billets et nous inonder de papier, n’est plus soutenable. Elle nous mène vers une crise sociale aiguë qui pourrait s’additionner à la crise politique.

    Le processus enclenché avec la demande d’application de l’article 102 est d’ores et déjà contesté. Etes-vous malgré tout optimiste ?

    Il va y avoir des mécontents. Mais qu’on le veuille ou non, les manifestants ont déjà obtenu l’essentiel : le départ d’Abdelaziz Bouteflika, et d’autres têtes vont encore tomber. Le système est sur la défensive : le premier ministre actuel a du mal à composer son équipe. Une élection est la seule façon d’éviter de faire perdurer le système de cooptation qui régit le pays depuis l’indépendance.

    Nous avons l’habitude de voir, en Algérie, les gens cooptés. Or la cooptation ne doit absolument pas être envisagée pour répondre aux aspirations légitimes de millions de personnes qui demandent l’émergence d’une représentation populaire. Jusqu’à preuve du contraire, le procédé le plus courant que l’on connaît de par le monde pour désigner une autorité politique légitime reste l’élection au suffrage universel.

    C’est la procédure la plus démocratique. La seule qui puisse permettre de dégager une personnalité, une autorité légitime. Seul le passage rapide à une élection démocratique permettra ensuite de renouveler les institutions. 


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires